SUPPLEMENT
Du mirage nationaliste à l’utopie-en-action du messie collectif
Par RICH NGAPI
« Du mirage nationaliste à l’utopie-en-action du messie collectif ». Ce livre de Félix Mutombo-Mukendi se focalise sur le cas du Congo-Kinshasa. Cri de cœur et de raison, l’ouvrage est une autopsie de la décadence politique, économique, sociale et morale qui tétanise la République démocratique du Congo, dont la double trame s’articule autour d’un pseudo nationalisme aveuglant et d’une utopie démocratique et républicaine insensée.
C’est à l’honneur de l’auteur d’avoir eu la lucidité de dénoncer avec force ce « nationalisme verbal » déconnecté de la réalité, dans lequel ne cesse de s’encanailler la classe politique congolaise, voici près d’un demi-siècle. En effet, écrit Mwayila Tshiyembe dans la préface, « ce pseudo nationalisme est un véritable tissu de mensonge, de traîtrise, d’incompétence, d’irresponsabilité et d’égoïsme narquois. Il s’agit d’une mystification bourrée de sophismes et de logomachies au service de la tyrannie, en vue de dépraver les mœurs, d’endormir les intelligences et de dispenser les dévouements des Congolais».
Insensée et biaisée, l’Utopie démocratique n’a duré que « ce que durent les fleurs, l’espace d’un matin », pour paraphraser Ronsard. Tel un rêve éveillé, en effet, cette utopie s’est fracassée sur le roc de la décolonisation bâclée par la Belgique, basculant Patrice Lumumba (Premier ministre) et Joseph Kasa-Vubu (Président) dans le piège mortel d’une monarchie constitutionnelle mimétique, concoctée par la Loi fondamentale. Pis encore, le Mouvement Populaire de la Révolution, monstre enfanté par le Lieutenant général Joseph-Désiré Mobutu et ses thuriféraires, deux ans après son putsch du 24 novembre 1965, en tant que parti-Etat, a fini par dévoiler les turpitudes de la classe politique (les deux chambres du Parlement) et des élites congolaises toutes tendances confondues.
Compte tenu de tous ces paramètres, la déliquescence du régime de Mobutu et sa disparition corps et biens, sous les coups de boutoir de la guerre de l’Est (1997), n’a pas su extirper ce « mal qui répand la terreur », comme dirait Jean de la Fontaine. La noyade précoce, dans un bain de sang effroyable, de « l’aventure de libération » rondement menée par Laurent-Désiré Kabila et alliés, souligne combien les faits sociaux sont têtus.
Dans ces pages, l’auteur démontre que « la République démocratique du Congo est un théâtre d’ombres où sont englouties les espérances et les bonnes volontés, sans que nul n’ose lever le doigt ou crier gare ». Ainsi, s’enchaînent les successions des seigneurs de guerre, des leaders ecclésiastiques (Eglises et mouvements religieux), des mascottes des partis politiques, des seigneurs de la « société civile » et des « dynamiques des composantes » avalisant le champ politique des intrigues et de mauvaise foi. « Si la misère, les massacres, les viols qui en résultent n’étaient pas tragiques, ce cinéma de mauvais goût aurait prêté à sourire », écrit le préfacier.
C’est fort de ce constat que l’auteur se fait violence, invite les élites congolaises à sortir de la torpeur et rompre avec les chimères du passé. Innovante, sa proposition de « l’utopie-en-action du messie collectif » est un manifeste que l’on peut résumer ainsi : la refondation d’un Etat de droit et d’une démocratie adaptés à l’histoire, à la culture et aux aspirations des peuples du Congo, pour forger une société de liberté et de responsabilité, condition sine qua non de sortie de crise sociétale qui ravage la Rdc. « Cet Etat de droit et cette démocratie, précise l’auteur, ne doivent pas être la copie conforme du modèle occidental de l’Etat-nation ».
Félix Mutombo-Mukendi, Du mirage nationaliste à l’utopie-en-action du messie collectif, L’Harmattan, Paris, 2005, 210 pages.
ISBN : 2-7475-9146-8
EAN : 9782747591461
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