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LETTRE OUVERTE DU MRAX - AUX ANTIRACISTES

LE MRAX

Bruxelles, le 11 janvier 2007

 

 

Objet : Réforme des lois visant à lutter contre le racisme et les discriminations 

Madame,

Monsieur, Chers membres, amis et sympathisants du MRAX,   Dans quelques jours, le Parlement aura à débattre de projets de loi sur la révision des dispositifs visant à lutter contre le racisme et les discriminations.   Cette réforme a été longuement travaillée par le cabinet du Ministre de l’Intégration sociale, Monsieur Christian Dupont, après une large consultation de la société civile. Elle répond à une nécessité, suite à un arrêt de la Cour d’Arbitrage et face aux exigences posées par les instances européennes. L’objectif en est notamment de rendre plus effective la protection des victimes de discriminations. Si nul ne conteste les bonnes intentions des auteurs du projet, dont beaucoup d’aspects sont réellement positifs et ont tout notre soutien – comme, par exemple, l’amélioration de la procédure civile –, d’autres éléments persistent hélas à nous poser de véritables difficultés, et nous mettent dans l’obligation d’en faire une question de principe. Nous pensons en effet pouvoir affirmer que ce projet, s’il est adopté en l’état, risque d’aboutir à une détérioration de la protection dont jouissent, jusqu’ici, une série de victimes de discriminations racistes.   Les deux éléments qui nous incitent à tirer la sonnette d’alarme sont : 1.-  la dépénalisation d’une série de comportements racistes – la discrimination dans l’emploi et dans l’offre de biens et de services – ; et 2.- l’absence totale de garantie quant aux modalités d’application du principal instrument permettant de prouver l’existence d’une discrimination, le test de situation ou « testing », qui est prévu par la loi mais renvoyé depuis 2003 à un hypothétique arrêté royal dont nous craignons qu’il rende ce mode de preuve impraticable.   Rappelons ici la différence essentielle entre le droit « pénal » et « civil » : en droit pénal, c’est le dommage causé à la société qui est avant tout jugé (atteintes aux principes inhérents à l’organisation de notre démocratie : à la sécurité, à l’ordre, à la morale publique, etc), tandis qu’au civil, c’est le dommage causé exclusivement à une victime particulière qui est pris en compte. Décider qu’à l’avenir les discriminations racistes ne pourraient plus être jugées qu’au civil (alors que les deux procédures coexistent aujourd’hui) revient donc à demander que de tels actes ne puissent plus être traités comme causant formellement un tort à la société dans son ensemble, à nos valeurs, ainsi qu’à la cohésion sociale : une discrimination fondée sur une motivation raciste ne pourrait donc plus être jugée comme un délit raciste portant atteinte à la société, mais uniquement comme un incident ayant causé un dommage individuel privé.   Le Gouvernement justifie cet aspect de sa réforme en partant du principe que les actions au pénal se sont, jusqu’à ce jour, montrées très peu efficaces. A qui la faute ? Aux hommes censés faire appliquer la loi, ou aux seuls textes législatifs ? Beaucoup de lois pourraient aussi être traitées d’inefficaces, sans qu’on en ait tiré la conclusion qu’il fallait dépénaliser les comportements en question : les violences familiales en sont un exemple parmi d’autres. Nous pensons que les discriminations racistes doivent continuer à être clairement identifiées, dans le droit pénal, comme des actes qui violent directement les grands principes inhérents aux régimes démocratiques. Il nous semble que cette  fonction symbolique et pédagogique du droit pénal n’a pas été suffisamment prise en compte dans l’évaluation qui a orienté les grands choix stratégiques de ce projet de réforme.   Nous estimons de surcroît que sortir ces comportements racistes du champ pénal présente des inconvénients pratiques réels. Ainsi, il deviendrait impossible pour quelqu’un à qui on vient de refuser l’entrée dans un établissement ou la location d’un appartement, de se présenter à la police pour faire acter sa plainte, identifier l’auteur, auditionner un témoin,… Nous craignons de ce fait que rassembler les preuves de la faute soit rendu concrètement plus difficile, et entraîne le découragement de certaines victimes.   S’il est indéniable que ce projet vise à accorder aux victimes une meilleure effectivité des jugements pour discrimination – principalement au moyen d’un système de compensations forfaitaires – rien ne peut justifier que ces améliorations se fassent au détriment des vertus pratiques, symboliques et pédagogiques du droit pénal. Surtout, cette démarche repose sur un pari, que nous estimons à la fois risqué et inutile. Il est risqué car, comme le rappelait en son temps le Centre pour l’égalité des chances, rien ne garantit que les avancées proposées au civil porteront réellement et complètement leurs fruits, d’autant que les mécanismes d’aménagement de la charge de la preuve (testing) restent juridiquement fragilisés. Ce pari est également inutile car, comme c’est le cas aujourd’hui, rien n’empêche que les deux procédures, pénale et civile, puissent continuer à coexister.   Le MRAX estime donc que la réforme envisagée remet en question une dimension particulièrement sensible du combat porté par la société civile, depuis des dizaines d’années, en faveur la lutte contre le racisme, et ce dans un climat de relative indifférence qui n’est pas sans nous préoccuper. C’est pourquoi, au nom de cet héritage qui a marqué les 60 ans de notre Mouvement, nous estimons qu’il est de notre devoir de vous en informer.   Vous trouverez sur le site du MRAX (www.mrax.be) une note juridique qui expose davantage les points posant problème dans cette réforme (y compris des points n’ayant pas été traités ici), et les suggestions de solutions que nous y apportons. Nous vous invitons à vous emparer du débat, à vous forger votre opinion et, le cas échéant, à nous rejoindre dans notre combat en le manifestant.   Nous vous prions de croire, Madame, Monsieur, chers membres, amis et sympathisants du MRAX, à l’expression de nos sentiments les meilleurs.        

Didier de Laveleye

Directeur
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François De Smet

Vice-président

Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie  - MRAX asbl

37, rue de la Poste  •  BE-1210 Bruxelles  •  Tél. : +32 (0)2 209 62 50  •  Fax : +32 (0)2 218 23 71 Visitez notre site : http://www.mrax.be/    

 

   

 

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